Mais c’est où le Minervois ?
Cette question assassine, elle est assez redondante dans toute discussion que nous pouvons avoir en terres inconnues voir hostiles (autrement dit, à l’ouest de Toulouse, au nord de Montpellier et au sud de la 6ème éolienne de Narbonne sur la route de Perpignan).
Et une fois sur deux, la réponse commence par un euuuuuuuuuhhhhhhhhhhhhhh qui dure bien quinze secondes afin de permettre d’échafauder une réponse bien alambiquée démontrant notre connaissance sans faille de notre pays. (Non, on ne rigole pas !!!)
Sachez d’abord qu’il faut adapter la réponse à son public. Et surtout paraître sûr de soi. On sait jamais, sur un malentendu, une bourde techniquo-historique d’une centaine d’années ou de kilomètres peut passer inaperçue. Et hop ! Comme ça l’air de rien, la conversation continue.
Je vais tenter de vous aider à surmonter cette épreuve si dure avec d’autres petits conseils.
Petits conseils pratiques pour vous préparer à LA question !
Soyez détendu, respirez calmement, arborez des lunettes de soleil pouvant cacher un regard de désespoir et surtout, débrouillez-vous pour avoir le kit de survie aux questions délicates (soit une bouteille de Minervois, deux verres et un saucisson). Le kit de survie n’est certes pas pratique à transporter, mais bien utilisé il peut être très utile !
Pourquoi ?
Mise en situation : la question tombe et hop on dégaine le kit !
Premièrement, le temps de le sortir, de débouchonner la bouteille, de couper le saucisson… l’interlocuteur aura certainement oublié la question qu’il avait posée tellement il salive déjà.
Mettons que l’interlocuteur est coriace (et oui, ça arrive), prenez votre verre de vin, tournez le d’un air sérieux en le montant vers le plafond, plongez-y le nez dedans en prenant tout votre temps. Car même si vous-mêmes ne savez pas ce que vous faites, ce magnifique professionnalisme impose un silence religieux qui vous fera gagner de précieuses secondes afin de réfléchir à la réponse.
Lors de la réponse, ponctuez vos phrases en prenant une gorgée de vin ou un morceau de saucisson : c’est bien connu, on ne parle pas la bouche pleine. Et hop de nouvelles secondes de gagnées !
LA réponse !
C’est évidemment le cœur du sujet, car lorsque vous aurez gagné assez de secondes pour analyser la situation, vous pourrez enfin fournir votre réponse. Une seule réponse type serait trop facile. Il faut prendre en compte une foule de paramètres (d’où l’importance du kit de survie) afin de sortir comme ça, l’air de rien LA réponse parfaite !
Voici quelques mises en situation :
Imaginons ensemble la personne que vous aurez en face et tentons de trouver la répartie idéale.
Vous discutez avec :
- Un homme barbu en pull marinière ayant le regard vers l’horizon : « Mais oui, le Minervois, c’est le Canal du Midi entre Narbonne et Carcassonne, c’est le Somail, le port de Homps ! » Le pull marinière indique clairement un marin en recherche de sensation à 5km/h afin de réaliser son rêve d’enfant de commander un bateau et son rêve actuel, le faire en prenant l’apéro! L’axe de réponse du Canal du Midi semble le plus adapté.
- Un jeune étudiant en faculté d’histoire rencontré dans un bar près de la Sorbonne : « Le Minervois, c’est les dolmens du Languedoc, les capitelles, le catharisme, les Trencavels, la révolte des vignerons en 1907, les meulières du Midi de la France… Tu cherches un endroit qui regroupe tout ça et tu trouves le Minervois ! ». L’étudiant en histoire est par définition quelqu’un qui aime se creuser la tête et qui a trop de fierté pour avouer qu’il ne connaît pas la révolte le 1907. Donc amusez-vous et faites le galérer un peu.
- Une mamie rencontrée au supermarché du coin : «Entre les Fitou et les Faugères » Bon là en fait ne cherchez pas, elle cherche à réactualiser sa cave.
- Un hipster rencontré dans une Fnac à Strasbourg : «Le Minervois, c’est la Mal Coiffée ou encore Olivia Ruiz – enfin on sait plus si elle vient de Carcassonne, Narbonne ou Marseillette mais quoi qu’il en soit au milieu de tout ça c’est chez nous, donc elle vient du Minervois ! ». Le Hipster appréciera cette réponse après avoir feuilleté son catalogue de festivals branchés qu’il possède toujours dans sa bandoulière pur cuir.
- Une dame avec un tee-shirt collectors des Rolling Stones : «Le Minervois, c’est un lieu où l’on trouve du calcaire, du grès, du schiste, des galets roulés et du marbre. C’est ce qui fait, entre autre, la particularité de son terroir viticole. Le marbre de Caunes-Minervois s’est même exporté à la capitale lors de l’époque du roi soleil !» Une telle experte en pierres qui roulent situera immédiatement le Minervois avec une telle réponse.
- L’ami que nous avons tous qui nous donne des conférences à l’apéro : « Bahhh, le Minervois, c’est délimité par Narbonne la romaine, Carcassonne la médiévale, le Canal du Midi de Pierre Paul Riquet au sud et la Montagne noire au Nord. Le nom proviendrait du village de Minerve (village forteresse ayant été refuge des cathares et témoin d’un des plus grands massacres par le feu de cette population en 1210) .Le village est labellisé plus beau village de France et fait la fierté de la population.» Surtout, prendre l’accent de Stéphane Bern lorsque l’on donne cette réponse, votre ami sera ravi, il ressortira exactement la même chose le lendemain chez ses beaux-parents.
- Un local Néo–Zélandais lors d’un voyage à l’autre bout de la terre « Dou you si the city off robin woud ? Carcassonne ? Its on ze ryght ! » Avec un peu de chance et un accent rugby du sud-ouest de troisième mi-temps, il changera vite de sujet de conversation. (True story)
- Un trentenaire portant un polo bleu ciel et un pull délicatement posé sur ses épaules rencontré dans un bar à vin de la Capitale. «Oui, tu sais le Minervois se situe un peu entre le Côtes du Rhône, le Madiran avec un zeste de très bon Cahors ». Explication : dans ce genre de situation, il est toujours bien de plisser les yeux, prendre un air sérieux et commencer sa réponse par « Ouiiiiii tu saiiiiis ». Il est fort probable que la personne soit autant spécialisé que vous – voir moins – et hochera la tête d’un air approbateur en répondant « Ah ouiiiiii, je vois très bien ». Je corrigerai cette honteuse approximation en oenologie en rencontrant de nombreux viticulteurs lors de mes prochaines chroniques, cela s’impose !
Il existe encore de nombreuses mises en situation possibles. Mais ça, c’est une autre histoire !
Il reste aussi l’option de la carte de France mais ça serait tellement simple. Et ça, ça ne nous ressemble pas !
Une chose essentielle : ne jamais se déplacer sans le kit de survie et tout se passera bien !