
– « T’as fait la malo ? »
Voilà ce que l’on peut entendre en hiver dans une conversation de vignerons du Minervois.
– « Moi ça s’est fait tout seul » ou « moi j’ai galéré… »,
– « J’aurai dû aller à Marseillette ! »
Et pourquoi à Marseillette me direz-vous ? Il y a quoi là-bas, à Marseillette ? Ah oui des vignes, du riz (si, si !), et….des pommes ! Ils en font même une fête ! Vous ne voyez pas le rapport avec la choucroute ? Alors, un peu de patience, laissez-moi d’abord vous parler un peu technique et je vous glisserai juste après, l’une des anecdotes les plus amusantes que vous n’ayez jamais entendues sur le vin.
Alors, qu’est-ce que la malo ?
Prenons les choses dans l’ordre, vous voulez bien ? Tout d’abord, il y a une première activité biologique qui s’appelle : la fermentation alcoolique, c’est celle qui permet au jus de devenir du vin. La fermentation s’opère grâce à des petites bêtes qui sont en fait, des levures présentes dans le vin. Sans ces levures, qui transforment le sucre du raisin en alcool, il n’y a pas de vin. Ça, c’est universel.
Partout où le vin existe, la levure a travaillé ! Ce phénomène, connu depuis très longtemps a été démystifié par des scientifiques comme notre fameux Pasteur au XIXème siècle.
Tout le monde suit jusque-là ? Oui ? Impeccable ! Alors partons à l’aventure de la deuxième fermentation !
Les vignerons avaient remarqué qu’une fois le vin terminé (en fin de fermentation alcoolique donc), se produisait un léger bouillonnement des cuves qu’ils n’arrivaient pas à expliquer. Chose incroyable, une fois ce petit tour de magie terminé, le vin était même meilleur, moins agressif… Dingue !
Il s’agissait bel et bien d’une activité bactérienne appelée fermentation malo-lactique. En fait, les bactéries dégradent dans le vin un acide fort (acide malique) en un acide faible (acide lactique) tout en produisant du gaz carbonique provoquant ce petit tumulte caractéristique.
Il aura fallu attendre le milieu du XXème siècle pour maîtriser ce processus avec les travaux de scientifiques comme Emile Peynaud, œnologue – chercheur.
Ainsi, aujourd’hui, le vigneron peut normalement assister cette fermentation spontanée qui n’est plus considérée comme une maladie du vin. Il doit aussi pouvoir l’éviter par choix selon le profil de vin qu’il souhaite. La couleur du vin, son acidité, sa conservation et la dégustation sont au cœur du sujet.
Pour faire simple, disons que tous les vins rouges sont soumis à l’attaque bactérienne. C’est bon pour eux ! On laisse donc les malos s’enclencher. Par contre, pour les blancs c’est une autre affaire ! La majorité des vignerons méridionaux vont empêcher cette « malo » sur les vins blancs car ils souhaitent garder une certaine fraîcheur (acidité). Par contre, dans les vignobles septentrionaux, la « malo » est favorisée sur les blancs dont l’acidité est en général plus importante.
C’est bon, c’est fini, vous pouvez respirer ! Eh oui, le monde du vin est complexe et mystérieux, mais pas d’inquiétudes, je suis là pour vous éclairer !
Et pourquoi Marseillette alors ? je vous livre donc cette histoire récoltée au gré de mes pérégrinations minervoises :
« C’était un soir d’hiver, assis autour d’une table devant la cheminée, en train de siroter un verre de vin rouge avec l’un de mes amis vignerons. Je lui faisais part avec un certains désarroi de mes difficultés à terminer mes malos, lorsqu’il me dit : « Je vais te donner une petite astuce. A l’époque, quand j’étais « gafet » (« petit » en Occitan ), j’accompagnais toujours mon père à l’Etang asséché de Marseillette pour cueillir des pommes pour la tatin de ma mère. Un jour, je lui ai dit qu’il en cueillait quand même beaucoup pour une seule tarte et que maman n’utiliserait pas tout. C’est alors qu’un soir, il m’amena voir quel drôle de sort il réservait aux cagettes restantes. Il en plongeait quelques unes dans les cuves dont le vin avaient du mal à terminer la fameuse « malo » et les laissaient macérer pour déclencher cette dernière. Et ça a marché bon sang !»
Un tour de passe-passe tout aussi mystérieux que ces fameuses bactéries invisibles….
Maintenant que vous êtes incollables, lors de votre prochaine rencontre vigneronne, parlez « malo » et si vous souhaitez croquer la pomme de Marseillette allez y faire la fête….La foire de la pomme, du vin et du riz a lieu chaque année en octobre!