
Me voilà, le cœur battant, lancée dans l’arène de mon tout premier salon millésime bio. Devant moi s’étendent à perte de vue des stands uniformes et proprets, derrière lesquels patientent des vignerons aussi nombreux que les étoiles du ciel.
Ca me donne un peu le vertige, en pensant que chacun a du mettre tout son cœur et son savoir faire pour épouser patiemment le rythme des saisons et accompagner son terroir jusqu à son ultime expression en bouteille.
Fouilles obligent, le public piaffe dans ses stalles jusqu’à l admission dans le saint des saints au compte goutte. Et puis c est la ruée vers l’or, liquide celui lá, on se croirait au temps des alchimistes. Et chacun se dirige avec détermination vers le stands repéré des jours avant.
Je me sens toute perdue et vais á tout hasard vers le grand panneau indicateur du centre de ce hangar d’exposition XXL. Mais peine perdue, c est aussi vain que de chercher des amis dans un annuaire téléphonique. Les noms de propriétés et régions s égrainent impitoyablement identiques dans leur police bien trop lisse, même pas le charme des étiquettes sages ou délurées pour me guider.
C’est là que je tombe avec soulagement sur LA solution; l’envers du tableau classe les exposants par appellation. Il suffit donc de jeter son dévolu sur l’une d’elles pour qu elle nous guide fermement. Comme le petit poucet, je décide de suivre les cailloux blancs des AOC Minervois, si dispersées soient elles. Ce sera mon sésame pour ce labyrinthe de vins, bien trop touffu pour songer à être exploré en fond et en comble.
Pourquoi le Minervois me direz vous? C’est que j’y ai toutes mes racines maternelles, aussi profondes qu’un vieux cep de vigne … et ces souvenirs de la mer de pins entre Laure et Azille dans laquelle nous plongions, nos cris d’enfants vite étouffés par le chant entêtant des cigales. J’avoue bien mal connaitre les vins de cette région si chère á mon cœur. C’est qu elle est restée pour moi synonyme de grandes vacances, avant l’âge béni d’accéder á la table des grands et découvrir enfin les richesses inépuisables du vin.
Trêve de nostalgie, en avant pour rattraper tout ce temps perdu loin des mes racines Minervoises. Retour à Marseille et aux longues allées du parc Chanot. Mes pas me mènent tout d abord vers l’entrée, au cas où je sois passée devant un vigneron Minervois sans y prendre garde. Bien m’en prend; en toute première ligne m attend la Tour Boisée. Aux sonorités de ce nom, je plonge déjà dans l’odeur sucrée des résineux et le bruissement des oliviers de Laure Minervois.
Et je ne suis pas déçue en découvrant la démarche de Jean Louis et Marie Claude Poudou, des gens bien du coin qui ont le coup de main pour mettre dans leurs bouteilles un concentré du parfum de nos garrigues. Leur cuvée Histoire de Famille, puissant assemblage de Grenache et Syrah, séduit tout particulièrement mon palais en quête de saveurs du terroir. Et oui, le Minervois peut être puissant, en plus d’être charmeur. Malgré mon envie de m attarder sur les autres cuvées qui portent les noms des femmes de la famille Poudou, je reprends mon chemin; il ne s’agit pas de flancher dés le premier arrêt !
Je suis reçue par un vigneron qui a tout du philosophe, le front ceint d’une belle masse de cheveux bouclés et l’oeil mi rieur mi moqueur. J’ai nommé Pascal Frissant, paysan et fier de l’être. Je le cite : nous avons construit un ancrage particulier à la terre et au temps. Parfois en des codes invisibles, nous vivons de fugaces ou profondes complicités imperceptibles. Nous sommes les paysans produits par l’Histoire”. Il me raconte la jolie histoire de son étiquette Coupe-Roses, gracieusement offerte par un admirateur de son vin professionnel du design anglo saxon trop heureux d’apporter sa griffe au nectar qu’il appréciait tant.
Parce que c’est aussi ça la magie du monde viticole, un lieu d’affinités particulières où l imprévu des rencontres fait écho aux fantaisies du climat, et donne toute sa saveur au métier, pour qui ne cherche pas á s y soustraire. Mon préféré : Les Plots, qui tient sa promesse de révéler son terroir en faisant l’économie du bois pour se concentrer sur la plus belle expression que les cépages traditionnels syrah, grenache et carignan font de ces parcelles en coteau.
Une autre figure avenante m’attend un peu plus loin, au carrefour de deux de ces allées interminables qui fourmillent maintenant d’acheteurs et de journalistes. Heureusement les stands des AOP Minervois remplissent leur rôle de repère, et me sauvent de la panique! Et j’ai de la chance, Franck Leonor est un véritable roc qui ne semble pas le moins du monde incommodé par cette agitation bruyante tout autour. Il m’explique posément sa gamme de vins, en s’effaçant humblement derrière eux. Et à la première gorgée, j’ai un vrai coup de cœur pour sa cuvée Baroque qui célèbre les arômes du cinsault enchâssés dans un peu de syrah. C’est à la fois fruité et velouté, aromatique et équilibré; et j’en redemande pour le faire gouter à mes proches (#LaRouvioleJenRaffole).

Terroir de Cazelles
Quelques pas de plus, et Rendez-vous sur la Lune… Au Clos du Gravillas (dont on en parle aussi dans l’article de ma collègue chroniqueuse Carine « Le Clos du Gravillas : de la Terre à la Lune »), on joue avec les mots et les étiquettes pour décrire ce terroir minéral et sec, où la garrigue battue par les vents laisse parfois á nu les cailloux. Nicole et john Bojanowski sont tombés amoureux de ce domaine proche de saint jean du Minervois. Peut être que ses arrêtes du sol semblables à des os blanchis par le soleil rappellent elles à John les décors de son Farwest natal ? Il faudrait le lui demander. En tout cas, c’est la fraicheur du vin qu ils y produisent qui est surprenante et séduisante. Je retrouve une superbe interprétation de ce même terroir par leurs voisins du Domaine du Loup Blanc. J’aime particulièrement leur cuvée Mère Grand, issue de l’assemblage du grenache et du carignan. On y trouve une minéralité élégante et nerveuse, aux antipodes des grenache sirupeux trop chauds.
Rendez vous pour terminer en beauté dans la tente de dégustation où sont présentés les lauréats de cette édition du concours Millésime Bio. Hélène, Didier et Thibaut Vordy ont été récompensés à juste titre pour leur belle cuvée Alice. Un vin élégant et racé. L’assemblage d’un tiers mourvèdre, d’un tiers syrah et d’un tiers grenache donne une belle complexité, relevée par une pointe de fraicheur minérale en fin de bouche. Il faut dire que quand on sait la beauté á couper le souffle des canyons naturels de Minerve, on imagine que sa complexité géologique doit bien susurrer ses secrets á l oreille de qui sait l’écouter !
Morgane et Frédéric Schwertz représentent aussi dignement les couleurs des AOP Minervois. Il faut dire que quand ce couple d’alsaciens s’est installé en 2002 á Argens Minervois, il a apporté les traditions de respect de la biodiversité et du terroir de leur contrée d’origine. Au Domaine des Maels, difficile de choisir entre Le Clos du Pech Laurié et le Montesclat, tout aussi élégamment travaillés. Leurs expériences en agroforesterie me donnent bien envie d en savoir plus… qui sait dans un prochain article! Et puis l’indétrônable Château Maris, avec son chantre de la biodynamie Robert Eden qui a pactisé l’an dernier avec Vinadeis ex Val d’Orbieu pour inonder le monde de vin bio. Des artisans militants aux gurus médiatiques, on retrouve des acteurs du vin bio décidément bien différents sur ce salon. Je dois dire que cela n’a fait que renforcer mon envie de prendre les routes sinueuses du Minervois et entamer un pèlerinage épicurien sur les villages des étés de mon enfance !
Un clin d’œil particulier à notre « chroqueuse » Anne-Laure pour ses superbes illustrations. Merci, merci 🙂
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